PRESENCE ABSENTE
Tous ces objets laissés là, une tasse, une lampe, une veste, ce rideau qu’a tiré une main, ce réveil, ce tableau bancal de la Vierge, ce lit ou cette lettre, confidents secrets de vies qui ne sont plus. Vestiges de présences absentes qui renvoient chacun à sa propre finitude.
Hiver 2013, village de Golspie - Ecosse.
La neige tout autour lisse le paysage sous un ciel changeant. Je l’observe depuis ma fenêtre mais mon attention se fixe bientôt sur cette maison à quelques pas de là. C’est une maison à l’abandon dont je ne peux détacher mon regard. Les bourrasques violentes emportent des flocons qui s’y engouffrent en tournoyant. Je décide d’y entrer à mon tour et me laisse bientôt gagner par son silence inquiétant. L’atmosphère y serait particulièrement pesante et froide si un jeu incessant de lumière ne venait sublimer le lieu. On dirait le temps figé, il est à l’œuvre. Tout l’atteste ici, les teintes, les tapisseries fanées, les nervures des textures qui filent, la structure torturée par les saisons, prête à céder…
S’immiscer dans la chambre, le salon, ou le grenier, c’est forcer l’intimité d’une famille disparue, c’est être un peu voyeur sans doute mais cette désolation me trouble et m’émeut. Quelque chose, là, trouve en moi un écho, poésie de l’abandon. Tous ces objets laissés là, une tasse, une lampe, une veste, ce rideau qu’a tiré une main, ce réveil, ce tableau bancal de la Vierge, ce lit ou cette lettre, confidents secrets de vies qui ne sont plus. Vestiges de présences absentes qui renvoient chacun à sa propre finitude.
Ce sont ces lieux que j’affectionne et qui me font sillonner l’Europe, ces maisons familiales et leurs histoires que je veux saisir à travers ces objets-liens qui disent l’évanescence de toute chose et la fugacité de la vie.